Dans son Anthologie curieuse de la broderie parue en juin 2024, Audrey Demarre nous présente, en une cinquantaine de portraits, le plus étonnant et le plus beau de la broderie contemporaine. En effet, si broder est un geste très ancien longtemps resté féminin, technique et codifié, la broderie explose aujourd’hui de créativité.
Si la broderie s’inscrit dans un grand mouvement de retour au concret, au travail de la main, elle ne peut rester en dehors des autres enjeux de notre temps : l’urgence écologique.
1 mètre carré de broderie émet en moyenne 0.582kg éq. CO2, soit autant qu’un repas végétarien. Mais quel est l’impact environnemental de la broderie ?
La broderie, un artisanat écologique ?
La broderie est une technique de marquage textile qui implique la couture de fils sur le tissu pour créer un motif.
La broderie permet de préserver et de transmettre des techniques artisanales traditionnelles, souvent plus respectueuses de l’environnement que les méthodes de production industrielles. Elle est souvent le fait de petits créateurs et favorise en ce sens l’empowerment local.
En outre, la broderie est connue pour sa durabilité dans le temps, car les fils ne s’estompent pas facilement et résistent à l’usure. Les pièces brodées sont souvent de haute qualité et conçues pour durer longtemps. Elles sont moins susceptibles d’être jetées rapidement, contrairement aux vêtements de fast fashion.
En France, on pense à l’incontournable Maison Lesage qui réalise depuis 1924 pour la Haute Couture, le Prêt-à-Porter et les accessoires, des broderies très élaborées nécessitant des heures de travail et un savoir-faire d’excellence. Une école de broderie d’art a été créée en 1992, ouverte à tous les passionnés de broderie. La Maison Lesage a rejoint les Métiers d’Art CHANEL en 2002.
Broderie Lesage
Une réalité plus nuancée
Cependant, dans notre ère de la fast fashion, la broderie n’est plus l’apanage du luxe. Les machines à broder industrielles sont aujourd’hui capables de produire des motifs complexes à grande échelle pour ajouter des logos, des motifs et des détails décoratifs de manière uniforme et rapide.
Ces machines consomment beaucoup d’énergie, et selon le mix électrique des pays dans lesquels elles sont employées, leur empreinte carbone peut être conséquente.
Par ailleurs, la broderie industrielle utilise souvent des fils et des tissus synthétiques pour leur durabilité et leur résistance. Or ces matériaux non renouvelables sont polluants et la quantité de fil nécessaire est très importante.
Les autres consommables comme la colle ou les supports non-tissés s’avèrent également polluants.
D’un point de vue éthique, la broderie soulève des questions d’appropriation culturelle. En témoigne l’exemple de Tenango de Doria, une localité très pauvre nichée dans les montagnes de l’Etat d’Hidalgo, au Mexique. Une maison de couture américaine a été poursuivie par le gouvernement mexicain en 2020 après avoir utilisé les motifs d’oiseaux et de coqs entourés d’arbres et de feuilles, caractéristiques de l’artisanat de Tenango.
Des solutions éco-responsables
Il existe aujourd’hui des fils à broder éco-responsable, fabriqués à partir de matériaux durables et respectueux de l’environnement.
Les plus populaires sont
- le fil en polyester recyclé, qui permet de réduire les déchets
- le fil en Tencel (matière écologique créer à partir de pulpe de bois), apprécié pour sa brillance
- le fil en coton biologique certifié GOTS
Par ailleurs, une stratégie solide pour réduire significativement l’impact environnemental des machines à broder professionnelles nécessite une approche globale.Cela inclut l’amélioration de l’efficacité énergétique des machines, l’utilisation de matériaux durables, la gestion responsable des produits chimiques et la formation aux bonnes pratiques environnementales.
Enfin, il demeure préférable de se tourner vers des brodeurs artisanaux, qui réalisent leurs créations dans de petits ateliers et cherchent à perpétuer leur savoir-faire.
Sources :