Les chiffres parlent d’eux-mêmes,
Avec 1,7 millions de tonnes de CO2 émises chaque année l’industrie du textile est ainsi une des industries les plus polluantes de la planète. Elle représente à elle seule 10% des émissions mondiales des gaz à effet de serre selon l’ADEME. Ce qui représente 5% de notre consommation carbone. Malheureusement l’impact environnemental de la mode ne s’arrête pas à son empreinte carbone, l’épuisement de la ressource en eau, la pollution des eaux, des sols ou de l’air sont aussi partie prenante.
Mais qu’est-ce qui pollue autant chez un vêtement ?
Dans un premier temps, il est important d’avoir en tête le cycle de vie d’un vêtement, de la fabrication des matières premières utilisées jusqu’à la fin de vie du produit (appelé Analyse du Cycle de Vie).
A chaque étape de la vie d’un vêtement sont associées des émissions. Leur impact peut se mesurer grâce au Product Environmental Footprint (PEF). Le PEF prend en compte seize catégories d’impacts environnementaux, tels que le changement climatique, la pollution de l’air, l’épuisement des ressources, la toxicité pour les écosystèmes et les humains, ou encore la perte de biodiversité. Chaque catégorie est ponctuée d’un pourcentage selon l’importance de l’impact et est normalisée afin de pouvoir sommer l’ensemble des impacts et ainsi obtenir un score unique. Cette approche multicritères permet d’avoir une vision globale et complète des impacts environnementaux d’un produit.
L’ACV d’un vêtement permet ainsi d’identifier les phases majeures pour l’empreinte carbone :
- la production des matières premières
- l’ennoblissement textile
Dans l’exemple ci-dessous nous prenons une robe de 320g composée à 70% de viscose et 30% de coton. La matière et la filature sont réalisées en Asie, le tissage et l’ennoblissement en Inde. Puis la confection s’effectue en France :
Les matières premières représentent 30,7% de l’impact environnemental d’un vêtement notamment dû à l’extraction et la transformation de celles-ci qui nécessitent souvent l’utilisation de grandes quantités d’eau, de terres et d’énergie.
L’ennoblissement lui, étape de la fabrication du produit, représente à lui seul plus de 50% de l’impact et 35% des émissions de CO2.
Mais qu’est-ce que l’ennoblissement ?
L’étape d’ennoblissement se situe le plus souvent après la fabrication du tissu (le tissage) et regroupe l’ensemble des opérations subies par les textiles. Il permet de conférer des propriétés esthétiques et techniques spécifiques.
Il regroupe 4 procédés :
- le prétraitement : il regroupe les opérations préliminaires comme le désencollage, le dégraissage ou le blanchiment qui vont nettoyer et préparer le tissu pour la teinture ou l’impression.
- la teinture : Il existe différentes techniques, avec des colorants artificiels ou naturels, teindre directement sur l’article ou l’étoffe.
Les deux principales sont la teinture en cuve et la teinture en jet. Dans la teinture en cuve le tissu est immergé dans une cuve remplie de teinture. La cuve est ensuite chauffée à une température spécifique selon plusieurs cycles pour permettre à la teinture de pénétrer dans les fibres du tissu. La durée de trempage et la température de chauffage dépendent du type de tissu et de la couleur souhaitée.
La teinture en jet elle, alimente continuellement en teinture le tissu à travers une série de buses. Le tissu est ensuite séché et fixé à l’aide de vapeur ou de chaleur.
- l’impression textile : Elle permet de décorer les surfaces du textile en déposant des motifs colorés à la surface des tissus par différents procédés comme l’impression à la planche, l’impression en sérigraphie, au cadre ou rouleau, ou encore par sublimation et transfert thermique.
- et les apprêts textiles : ils (l’apprêt défroissable, l’ignifugation ou encore l’hydrophobie) confèrent diverses propriétés d’usage aux étoffes comme l’imperméabilité, l’isolant thermique,…
Mais qu’est-ce qui pollue autant dans le procédé d’ennoblissement ?
Cette phase nécessite l’utilisation importante de chaleur sous forme de vapeur mais aussi d’électricité. Il y a une consommation excessive d’eau et un fort relâchement d’eaux usées.
De plus, dans le textile ces étapes sont majoritairement réalisées en Chine, en Turquie ou encore en Inde, dû à leur faible coûts, pourtant ce sont des pays avec un mix énergétique très carboné lié notamment à l’utilisation majoritaire de charbon.
D’un autre côté, ces pays ont un traitement des eaux usées moyennement efficace voir inefficace. Or les procédés de prétraitement et en particuliers ceux d’apprêts sont très polluants avec l’utilisation de produits chimiques qui peuvent être toxiques, non biodégradables et avoir un impact néfaste sur la santé humaine avec le rejet de particules et l’environnement, comme l’eutrophisation des eaux douces ou des sols et l’acidification.
Eutrophisation des eaux douces : Correspond à un enrichissement excessif des milieux naturels en nutriments. C’est ce phénomène qui est à l’origine des algues vertes. Il s’exprime en g Phosphore équivalent.
Acidification : Correspond à la diminution du pH de l’eau, des sols et de l’air, causée par la libération d’oxydes de soufre, d’azote et d’autres composés acides dans l’environnement. C’est ce phénomène qui peut réduire la disponibilité des nutriments pour les plantes et augmenter la mobilisation des métaux lourds toxiques.
Mais comment diminuer l’impact environnemental de l’ennoblissement ?
Pour commencer, tout simplement, en privilégiant les pays d’Europe avec des mix énergétiques moins impactant et un traitements des eaux efficaces.
Le top c’est le Made in France ou Portugal !
Du côté de la teinture, on préfère les teintures sur étoffes et non sur articles.
Mais on peut encore aller plus loin et se tourner vers les teintures naturelles !
Par exemple, l’indigo est une nuance de bleu de grande qualité obtenue par un extrait de plantes. D’autres colorants naturels issus de plantes, insectes ou minéraux sont également employés pour teindre les textiles de façon écologique.
Attention cependant, toutes les teintures naturelles ne sont pas pour autant plus écologiques, par exemple la teinture au safran qui nécessite beaucoup d’eau et de temps a une empreinte carbone plus élevée qu’une teinture ordinaire.
Les apprêts biosourcés représentent également une avancée prometteuse dans le domaine de l’ennoblissement textile. Ils sont fabriqués à partir de matières premières organiques d’origine végétale, ce qui les distingue des apprêts traditionnels qui sont dérivés de produits chimiques issus du pétrole. Par exemple, l’amidon est un polysaccharide naturel qui peut être utilisé comme agent d’apprêt pour améliorer la rigidité, la résistance à l’usure et la tenue des plis des tissus.
Enfin, nous pouvons utiliser des procédés d’ennoblissement économes en eau et en énergie grâce à des machines à basse consommation ou à utilisation électrique plutôt que de vapeur. Puis en récupérant la chaleur et en recyclant les bains de teintures.
Certaines certifications et labels permettent de garantir le caractère écologique et éthique des procédés d’ennoblissement comme :
- GOTS (Global Organic Textile Standard) qui certifie la durabilité des processus
- OEKO TEX qui permet de détecter une longue liste de substances nocives dans les textiles
- EU ECOLABEL qui garantie la limitation de l’usage de produits toxiques et allergènes par les industriels et interdit l’utilisation du sablage
Cependant, pour l’instant, les labels ne garantissent pas ou peu le côté peu polluant de l’ennoblissement.
En conclusion, l’empreinte environnementale de l’industrie textile est considérable, avec 1,7 millions de tonnes de CO2 émises chaque année, représentant 10% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. L’étape d’ennoblissement représentant à elle seule 3% des émissions mondiales.
Cependant, des solutions existent pour réduire l’impact environnemental. L’analyse du cycle de vie (ACV) d’un vêtement permet d’identifier les étapes les plus polluantes et d’agir en conséquence. Ainsi, privilégier les pays d’Europe avec des mix énergétiques moins impactants et des traitements des eaux efficaces, utiliser des teintures naturelles, des apprêts biosourcés et des procédés économes en eau et en énergie sont autant de pistes à explorer.
L’éco-conception, qui consiste à intégrer les enjeux environnementaux dès la conception d’un produit, est également une approche prometteuse pour réduire l’impact environnemental de l’industrie textile dans son ensemble. En combinant ces différentes stratégies, il est possible de concevoir des vêtements plus respectueux de l’environnement, tout en répondant aux attentes esthétiques et techniques des consommateurs.