A la question “ comment réduire l’impact environnemental et social de la mode ?”, les Français sont seulement 16% à répondre “grâce à la location de vêtement”. Alors que 24% des Français sont même près à confectionner leurs propres vêtements, la location est ainsi la solution la moins plébiscitée du panel de réponses. Pourtant, « 74% des consommateurs éprouvent du plaisir dans l’usage plutôt que la possession. 58% la considèrent même comme un fardeau. », révèle une étude de Kantar Worldpanel. Retour sur ce nouveau phénomène : la location de vêtements.
Les principaux acteurs de la location de vêtements
Les plateformes proposent un service d’abonnement, avec différentes formules, comme Panoply, Une Robe Un Soir ou Le Closet (pour recevoir un nombre de pièces précis par mois). D’autres proposent des locations plus ponctuelles.
Le pionnier : Rent the Runway. En 2009, deux étudiantes d’Harvard ont l’idée novatrice de louer des vêtements et accessoires de mode de haute qualité pour des occasions spéciales. Cotée en bourse depuis 2021, Rent the Runway n’opère pas en France pour le moment.
Dans l’Hexagone, Le Closet, créé en 2014, est le leader de la location de vêtements mensuelle. Son concept phare : pour 69,99€ par mois (pressing et livraison inclus), la cliente reçoit une box composée de 4 articles choisis selon ses goûts parmi plus d’une centaine de marques. Elle peut changer de box dès qu’elle en a envie et acheter un des articles (à prix réduit par rapport au neuf) si elle a un coup de cœur. Depuis 2016, Le Grand Dressing propose les mêmes services que Le Closet, en version masculine.
Lancée en 2021 par deux anciennes collègues au sein du groupe LVMH, Prête est le service de location de la mode luxe et contemporaine, proposant des pièces de prêt-à-porter femme et des accessoires de grandes maisons ou de marques émergentes – pour une journée, un weekend, une semaine ou une durée personnalisée. L’entreprise livre seulement sur Paris et petite couronne pour le moment.
Les marques qui internalisent le système de location :
Après avoir permis aux femmes enceintes de louer des habits maternité en 2021, l’enseigne de mode nordiste Kiabi élargit son propos à toute la famille. Elle teste la location de vêtements pour tous, dans trois boutiques de son réseau, grâce à la formule de l’abonnement. Pour 5 articles loués, le client doit débourser 19 euros par mois, pour 10, le montant passe à 29 euros, pour 15 articles, il sera prélevé 39 euros, et enfin le prix culmine à 49 euros pour 20 produits loués. Il est possible de piocher dans tous les secteurs en magasin (homme, femme, enfant, bébé). Les articles retournés rejoindront les corners seconde main Kiabi s’ils sont en bon état, sinon ils seront recyclés.
Dans le même esprit, pour 30€/mois, Bocage propose au client de louer une paire pour un minimum de 2 mois. A l’issue de cette période, le client peut la conserver à -50% de son prix neuf, prolonger la location, ou bien changer de paire.
La location de vêtements, incitation à l’hyperconsommation ou rationalisation de la décision d’achat ?
La location de vêtements donne accès à un maximum de choix sans avoir à supporter le coût initial de la possession. Cette variété peut permettre au consommateur d’être plus créatif et de mûrir sa décision d’achat.
Dans la majorité des cas, la location séduit pour le moment des consommateurs avides de tester les nouvelles tendances, sans qu’ils en aient pour autant en avoir le budget nécessaire. En ce sens, la location pourrait être vue comme un moyen d’entretenir la surconsommation. Elle permettrait d’assouvir ses addictions de « shopaholic”, en étant toujours à la mode. Mais, d’une part, on peut contrer cette dérive en imaginant que certains produits soient uniquement disponibles à la location (et non à l’achat).
D’autre part, la location peut cesser d’être uniquement une pratique autocentrée pour étayer un discours davantage écolocentré.
En effet, elle peut être un moyen d’affiner son style vestimentaire. Au rebours du discours qui réduit la mode éthique à des basiques ternes et sans fantaisie, la location peut avoir un aspect ludique. Que l’on ait recours aux services d’une styliste ou non, louer un vêtement pour un temps restreint pousse souvent à être plus audacieux.
En outre, la location peut fonctionner comme “test produit” . En effet, avant d’investir dans une paire de chaussures onéreuse, il peut être bien de l’essayer quelques semaines/mois, afin d’être sûr qu’elle s’accorde avec le reste de notre dressing, qu’elle soit confortable … Avec la location, la décision d’achat peut donc cesser d’être une pulsion immédiate pour devenir une décision raisonnée.
La location de vêtements ouvre des pistes intéressantes d’écoconception
Le modèle de la location de vêtements permet de savoir comment les produits évoluent dans le temps. Il est une mine de données fabuleuses pour les entreprises, qui peuvent ainsi affiner et améliorer leur offre tant au niveau du style que de la longévité des produits. En effet, en ciblant les produits les plus demandés à la location, les marques peuvent voir quelle tendance, coupe ou coloris séduit leurs consommateurs. Mais c’est aussi un moyen d’emmagasiner des données sur le taux d’usure des produits. Puisque la location n’est rentable qu’à condition que le produit soit assez qualitatif pour résister à de nombreux cycles de lavage, cela pousse à innover pour plus de durabilité.
En impliquant les consommateurs comme partie prenante de l’offre, la location les intègrent au processus de production. Ce retour de la data est ainsi vertueux, dans une logique d’écoconception*.
*L’ADEME définit l’écoconception comme une démarche préventive et innovante, qui permet de réduire les impacts négatifs du produit sur l’environnement sur l’ensemble de son cycle de vie, tout en conservant ses qualités d’usage
Source :
- podcast Nouveau modèle “En mode circulaire” sur la location de vêtements Episode 4 – La location peut-elle s’installer en France ? (audiomeans.fr)